Joie de vivre

Aujourd'hui, j'ai acheté le numéro de mars 2010 du journal La Décroissance (sous-titré Le journal de la joie de vivre). Il est édité par l'association Casseurs de Pub, qui édite aussi une revue sous-titrée La revue de l'environnement mental. Titres assez peu conventionnels, il faut le dire. J'ai été surpris de voir que ce journal était très bien distribué et très répandu dans les kiosques, alors que j'imaginais qu'il était un papier introuvable, qu'il fallait le commander spécialement ou le chercher très loin … Il n'en fut rien !

Quand je pense à la décroissance telle qu'elle est définie par tous les gens qui soutiennent ce journal, et que j'imagine par quels moyens ce modèle pourrait être appliqué à notre société et à notre monde, j'ai une impression étrange. Quand je regarde les vidéo d'interview de théoriciens de ce mouvement, je me dis justement qu'il manque quelque chose. Tout coule de source quand j'écoute ce qu'ils disent, un peu de bon sens suffit pour les comprendre. Seulement voilà : comment va-t-on parvenir à faire changer la société à ce point ? Comment va-t-on parvenir à retirer des mentalités et de l'imaginaire collectif que posséder toujours plus et mieux, c'est vivre et être heureux ? Comment va-t-on effacer toutes ces décennies de dur martelage pro-croissance, pour que le mot croissance ne signifie plus bonheur dans la tête des citoyens ?

On se rend bien compte du problème de taille que ceci représente, surtout quand on sait à quel point les gens sont des veaux et combien ces années de nourriture mentale faite d'un modèle économique unilatéral et incontesté sont ancrées dans notre inconscient. Il manque les moyens d'application de ces principes. Il manque les mesures concrètes qui sont susceptibles d'accompagner tous ces développements d'idées pour réussir la grande conversion du public. Il manque un travail sur la manière de provoquer le déclic, celui qui fera tout basculer, la clé du problème.

Je ne me lancerai pas dans la politique générale, théorique ou appliquée. Ce n'est pas ma vocation car je déteste être désapprouvé et je n'aime pas parler dans le vent.

Tout ça pour dire que j'ai la même impression en ce qui concerne ce projet. J'ai l'impression qu'il sera difficile de trouver ce qu'il nous faut réellement si on ne procède pas à une remise en question de nous-même aussi profonde que celle que devrait subir tout l'establishment politique pour accepter la décroissance.

Notre force existe, elle est là, on peut la palper. Notre vie ne demande qu'à être remplie de choses qui font construire, qui font agir, qui nous font aimer ce qu'on fait, qui nous font y croire. On demande la passion. On a envie d'avoir envie. On attend le déclic, nous aussi. Je ne sais pas si notre vie sera décroissante, et peu importe : il faut juste qu'elle repose sur des désirs sains et pas sur une frustration permanente qui nous oblige à vouloir ce qu'on n'a pas (cf. 99 Francs). Mon article ne fait pas avancer le schmilblick, certes, mais je crois que la démarche est bonne. Il faut qu'on procède à une mise à plat, aujourd'hui ou demain, de nos vies pour les regarder en face. Il faut qu'on regarde cette "matière" qui trône devant nous, notre vie, en nous détachant de toutes nos haines et nos refus. Je ne dis pas "oublier" nos haines ou nos refus, ou "ne pas considérer" ceux-ci, mais en parvenant à repousser la souffrance qu'ils causent, on y verra plus clair. Leur présence est indispensable pour nous permettre de cibler correctement ce que nous voulons et ainsi donner à notre vie la tournure qu'elle doit prendre.

Dis-moi si tu partages ma vision.